Les districts industriels ont toujours été présentés comme une combinaison de relations de coopération et de concurrence. Les relations de coopération sont rendues possibles par le fait que les districts combinent une population dense d'entreprises engagées dans une même filière professionnelle et un enracinement dans la société locale. De par cet enracinement, les entrepreneurs développent des relations interpersonnelles qui fondent la confiance nécessaire à la coopération. Mais dans le même temps, l'insertion des entreprises au sein d'une même filière les met en concurrence pour l'accès aux ressources dont elles font usage et aux marchés auxquels elles se destinent. L'évolution des conditions compétitives dans l'économie globalisée s'est traduite au cours des années aussi dans des changements structurels dans les districts industriels : croissance de la taille des entreprises, internationalisation, concentration, délocalisation, naissance d'entreprises « guide », entrée d'acteurs industriels ou commerciaux venant de l'extérieur, ce sont tous des phénomènes qui se sont suivis et superposés dans le temps et qui ont été étudiés dans la littérature. Une thèse interprétative pessimiste perdure dans le temps, même face à tous les changements qui se sont démontrés une réponse vitale de beaucoup de systèmes aux défis de chaque période ; elle soutient que le durcissement de la compétition pourrait éroder les conditions qui permettaient la coopération dans les districts et donc éliminer leur avantage compétitif comme système. Nous soutenons par contre que les mutations à l'oeuvre dans les districts reflètent plutôt une transformation des formes de coopération liée à une nécessité structurante. Traditionnellement, les entreprises des districts industriels ont développé des formes de coopération vouées au partage de ressources existantes. Le durcissement des conditions concurrentielles accentue par certains aspects la compétition entre entreprises, mais dans le même temps il suscite de leur part de revoir leur positionnement stratégique. En particulier, les entreprises sont incitées à s'orienter vers des produits à plus forte valeur ajoutée, consommateurs de ressources spécifiques. Or, la construction de ces ressources suppose localement de la coopération entre entreprises et entre entreprises et acteurs publics. Enfin, l'évolution de la nature de la coopération a pour effet de modifier les relations de gouvernance à l'oeuvre dans ces territoires. En particulier, l'évolution de la nature de la coopération conduit à réagencer les relations de pouvoir et à reconsidérer les positions légitimes. Notre travail va donc aborder dans un premier temps la trajectoire des deux districts comparés. En revenant sur le temps long, nous verrons comment a évolué le rapport aux ressources sur ces territoires en lien avec les mutations concurrentielles et stratégiques. Le deuxième point d'analyse comparative va concerner les modalités et les milieux des relations inter-entreprises, pour arriver enfin aux formes de la gouvernance qui accompagnent ces mutations de façon différente en France et en Italie.
La dualité coopérative dans les districts industriels : une comparaison France - Italie
Ragazzi Elena
2007
Abstract
Les districts industriels ont toujours été présentés comme une combinaison de relations de coopération et de concurrence. Les relations de coopération sont rendues possibles par le fait que les districts combinent une population dense d'entreprises engagées dans une même filière professionnelle et un enracinement dans la société locale. De par cet enracinement, les entrepreneurs développent des relations interpersonnelles qui fondent la confiance nécessaire à la coopération. Mais dans le même temps, l'insertion des entreprises au sein d'une même filière les met en concurrence pour l'accès aux ressources dont elles font usage et aux marchés auxquels elles se destinent. L'évolution des conditions compétitives dans l'économie globalisée s'est traduite au cours des années aussi dans des changements structurels dans les districts industriels : croissance de la taille des entreprises, internationalisation, concentration, délocalisation, naissance d'entreprises « guide », entrée d'acteurs industriels ou commerciaux venant de l'extérieur, ce sont tous des phénomènes qui se sont suivis et superposés dans le temps et qui ont été étudiés dans la littérature. Une thèse interprétative pessimiste perdure dans le temps, même face à tous les changements qui se sont démontrés une réponse vitale de beaucoup de systèmes aux défis de chaque période ; elle soutient que le durcissement de la compétition pourrait éroder les conditions qui permettaient la coopération dans les districts et donc éliminer leur avantage compétitif comme système. Nous soutenons par contre que les mutations à l'oeuvre dans les districts reflètent plutôt une transformation des formes de coopération liée à une nécessité structurante. Traditionnellement, les entreprises des districts industriels ont développé des formes de coopération vouées au partage de ressources existantes. Le durcissement des conditions concurrentielles accentue par certains aspects la compétition entre entreprises, mais dans le même temps il suscite de leur part de revoir leur positionnement stratégique. En particulier, les entreprises sont incitées à s'orienter vers des produits à plus forte valeur ajoutée, consommateurs de ressources spécifiques. Or, la construction de ces ressources suppose localement de la coopération entre entreprises et entre entreprises et acteurs publics. Enfin, l'évolution de la nature de la coopération a pour effet de modifier les relations de gouvernance à l'oeuvre dans ces territoires. En particulier, l'évolution de la nature de la coopération conduit à réagencer les relations de pouvoir et à reconsidérer les positions légitimes. Notre travail va donc aborder dans un premier temps la trajectoire des deux districts comparés. En revenant sur le temps long, nous verrons comment a évolué le rapport aux ressources sur ces territoires en lien avec les mutations concurrentielles et stratégiques. Le deuxième point d'analyse comparative va concerner les modalités et les milieux des relations inter-entreprises, pour arriver enfin aux formes de la gouvernance qui accompagnent ces mutations de façon différente en France et en Italie.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.