À partir de 2005, les vagues de l'océan Atlantique qui se brisent contre les côtes du Sénégal sont traversées par une dizaine de milliers de migrants en pirogues (pour la plupart sénégalais) qui font route vers les îles Canaries, au péril de leur vie, « pour gagner l'Europe ». Au Sénégal, le phénomène des migrations en pirogue a déclenché une production remarquable d'images et de discours. En supposant l'idée de « mouvement » comme une « exception », dans les mass-médias et les discours officiels, le migrant en pirogue est décrit comme un « kamikaze », une victime ou un « aventurier naïf » qui est poussé à partir par l'imagination d'un idyllique « ailleurs » européen, ou par le désir de réaliser une richesse économique affichée par les migrants de retour. En revanche, de nombreuses études ethnographiques montrent que, pour des millions d'Africains mobiles, apparaît plutôt un « mode de vie », une partie de leur expérience quotidienne, ce qui implique plus qu'une simple circulation de personnes dans le seul espace géographique (De Bruijn et al. 2001). S'appuyant sur l'analyse des données ethnographiques recueillies à Dakar et dans les zones urbaines de M'bour-Saly, cet article soutient que les migrations en pirogue pourraient être mieux comprises en examinant à la fois les multiples formes de représentations sociales du migrant dans la société sénégalaise et les significations véhiculées par les médias sénégalais et les récits des migrants et des non-migrants. L'adoption d'une perspective historique dans l'étude du contexte migratoire de M'bour nous permettra de retracer une « culture de la migration » localement spécifique et de souligner son importance afin de déconstruire les interprétations macro-analytiques, et de remettre en question les rhétoriques officielles sur les « migrations clandestines » sénégalaises.

Since 2005, about ten thousand migrants in pirogues (most of them Senegalese) have braved the waves of the treacherous Atlantic coasts of Senegal to head for the Canary Islands, risking their lives to "gagner l'Europe." In Senegal the phenomenon of boat migrations has triggered a remarkable production of images and ideas. Assuming movement as an exception, the mass-media and official discourses portray pirogue migrants as "daredevils," victims, or "naive adventurers" who are driven to leave by the imagination of an idyllic European "elsewhere," or by the desire to achieve the same economic wealth displayed by returning migrants. Conversely, numerous ethnographic studies suggest that for millions of Africans, being mobile appears rather as a "way of life," a part of their daily experience, implying more than just movement of people in geographical space alone (De Bruijn et al., 2001). Drawing from the analysis of the ethnographic data collected in Dakar and in the urban areas of M'bour-Saly, we suggest that boat migration could be better understood by examining the diverse forms of social representation of migrants within Senegalese society, and the meanings conveyed by Senegalese media and narratives of migrants and non-migrants. The adoption of a historical perspective on the study of M'bour's migratory context will allow us to retrace a locally specific "culture of migration" and its underlying importance in order to deconstruct macro-analytical interpretations, and question the official rhetoric on illegal migrations from Senegal.

Victims of their fantasies or heroes for a day?: Media representations, local history and daily narratives on boat migrations from Senegal

degli Uberti Stefano
2014

Abstract

Since 2005, about ten thousand migrants in pirogues (most of them Senegalese) have braved the waves of the treacherous Atlantic coasts of Senegal to head for the Canary Islands, risking their lives to "gagner l'Europe." In Senegal the phenomenon of boat migrations has triggered a remarkable production of images and ideas. Assuming movement as an exception, the mass-media and official discourses portray pirogue migrants as "daredevils," victims, or "naive adventurers" who are driven to leave by the imagination of an idyllic European "elsewhere," or by the desire to achieve the same economic wealth displayed by returning migrants. Conversely, numerous ethnographic studies suggest that for millions of Africans, being mobile appears rather as a "way of life," a part of their daily experience, implying more than just movement of people in geographical space alone (De Bruijn et al., 2001). Drawing from the analysis of the ethnographic data collected in Dakar and in the urban areas of M'bour-Saly, we suggest that boat migration could be better understood by examining the diverse forms of social representation of migrants within Senegalese society, and the meanings conveyed by Senegalese media and narratives of migrants and non-migrants. The adoption of a historical perspective on the study of M'bour's migratory context will allow us to retrace a locally specific "culture of migration" and its underlying importance in order to deconstruct macro-analytical interpretations, and question the official rhetoric on illegal migrations from Senegal.
2014
Istituto di Ricerche sulla Popolazione e le Politiche Sociali - IRPPS
À partir de 2005, les vagues de l'océan Atlantique qui se brisent contre les côtes du Sénégal sont traversées par une dizaine de milliers de migrants en pirogues (pour la plupart sénégalais) qui font route vers les îles Canaries, au péril de leur vie, « pour gagner l'Europe ». Au Sénégal, le phénomène des migrations en pirogue a déclenché une production remarquable d'images et de discours. En supposant l'idée de « mouvement » comme une « exception », dans les mass-médias et les discours officiels, le migrant en pirogue est décrit comme un « kamikaze », une victime ou un « aventurier naïf » qui est poussé à partir par l'imagination d'un idyllique « ailleurs » européen, ou par le désir de réaliser une richesse économique affichée par les migrants de retour. En revanche, de nombreuses études ethnographiques montrent que, pour des millions d'Africains mobiles, apparaît plutôt un « mode de vie », une partie de leur expérience quotidienne, ce qui implique plus qu'une simple circulation de personnes dans le seul espace géographique (De Bruijn et al. 2001). S'appuyant sur l'analyse des données ethnographiques recueillies à Dakar et dans les zones urbaines de M'bour-Saly, cet article soutient que les migrations en pirogue pourraient être mieux comprises en examinant à la fois les multiples formes de représentations sociales du migrant dans la société sénégalaise et les significations véhiculées par les médias sénégalais et les récits des migrants et des non-migrants. L'adoption d'une perspective historique dans l'étude du contexte migratoire de M'bour nous permettra de retracer une « culture de la migration » localement spécifique et de souligner son importance afin de déconstruire les interprétations macro-analytiques, et de remettre en question les rhétoriques officielles sur les « migrations clandestines » sénégalaises.
Culture of migration
Elsewhere
M'bour
Mass-media
Pirogue migrations
Representations
Senegal
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Descrizione: S-degli Uberti-Cahiers d'Études africaines-2014
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/20.500.14243/327851
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