La figure du libertin évoquée et combattue par Mersenne est assez maniable et plastique pour s'appliquer, au cours des années et dans des ouvrages distincts, à des acteurs et à des philosophies bien différentes l'une de l'autre: Charron, Cardan, Machiavel, Vanini, le nouveau déisme des Quatrains du déiste, dans les Quaestiones celeberrimae in Genesim (1623) et dans le premier tome de l'Impiété des déistes (1624); la philosophie de Giordano Bruno dans le second tome du rame ouvrage (1624); le scepticisme, dans La vérité des sciences (1625). Il y a, en plus, des attitudes intellectuelles propres aux mathématiciens qui, selon Mersenne, conduisent au libertinisme : notamment la prétention d'apporter des preuves mathématiques dans les domaines de la morale et de la religion. En 1623, dans les Quaestiones in Genesim, cette prétention est considérée comme une des causes de l'athéisme et en 1637, dans sa correspondance avec le théologien calviniste André Rivet, une des formes du libertinisme. Mersenne l'affirme dans les années où, dans le contexte des mécanismes naissants, la démonstration mathématique va devenir la démonstration scientifique par antonomase. Pourtant, dans les années suivantes ce méme genre de démonstration, l' apodictique ou la synthèse des géomètres, Mersenne à Descartes demande de l'adopter en métaphysique (dans les Secondes Objections de 1641) et au socinien Florian Crusius en apologétique (dans la célèbre lettre de novembre 1645). Mersenne lui-méme, autour de 1639, écrit des notiones communes et des postulata pour démontrer more geometrico les vérités de la religion catholique. Après 1637, les formes de libertinisme et d'athéisme que Mersenne veut réfuter sont identifiées par la demande de procédés démonstratifs more geometrico conclusi. Pourtant dans le paragraphe final des Obiectiones secundae il demande à Descartes «rem totam more geometrico [...] concludas» (AT VII, 128: 16-17). Afin que Descartes puisse satisfaire un `lecteur quelconque' («quicumque lector»), Mersenne, lui suggère d'ajouter à la fin des Meditationes l'exposé géométrique de sa métaphysique, où les démonstrations soient tirées de définitions, postulats et axiomes: «quibusdam definitionibus, postulatis et axiomatibus praemissis». En novembre 1645, encore, il écrit au socinien Florian Crusius que pour convaincre tous les lecteurs («ut omnes lectores convincat») il faut s'attacher à des arguments apodictiques; on doit d'avance poser des définitions et des axiomes, desquels en suite on tire des conclusions : «debent aliquae definitiones et quedam axiomata praemitti [...] ex quibus postea concludatur [...]».

Mersenne et les libertins: du libertinage a l'athéisme mathématisant

Claudio Buccolini
2017

Abstract

La figure du libertin évoquée et combattue par Mersenne est assez maniable et plastique pour s'appliquer, au cours des années et dans des ouvrages distincts, à des acteurs et à des philosophies bien différentes l'une de l'autre: Charron, Cardan, Machiavel, Vanini, le nouveau déisme des Quatrains du déiste, dans les Quaestiones celeberrimae in Genesim (1623) et dans le premier tome de l'Impiété des déistes (1624); la philosophie de Giordano Bruno dans le second tome du rame ouvrage (1624); le scepticisme, dans La vérité des sciences (1625). Il y a, en plus, des attitudes intellectuelles propres aux mathématiciens qui, selon Mersenne, conduisent au libertinisme : notamment la prétention d'apporter des preuves mathématiques dans les domaines de la morale et de la religion. En 1623, dans les Quaestiones in Genesim, cette prétention est considérée comme une des causes de l'athéisme et en 1637, dans sa correspondance avec le théologien calviniste André Rivet, une des formes du libertinisme. Mersenne l'affirme dans les années où, dans le contexte des mécanismes naissants, la démonstration mathématique va devenir la démonstration scientifique par antonomase. Pourtant, dans les années suivantes ce méme genre de démonstration, l' apodictique ou la synthèse des géomètres, Mersenne à Descartes demande de l'adopter en métaphysique (dans les Secondes Objections de 1641) et au socinien Florian Crusius en apologétique (dans la célèbre lettre de novembre 1645). Mersenne lui-méme, autour de 1639, écrit des notiones communes et des postulata pour démontrer more geometrico les vérités de la religion catholique. Après 1637, les formes de libertinisme et d'athéisme que Mersenne veut réfuter sont identifiées par la demande de procédés démonstratifs more geometrico conclusi. Pourtant dans le paragraphe final des Obiectiones secundae il demande à Descartes «rem totam more geometrico [...] concludas» (AT VII, 128: 16-17). Afin que Descartes puisse satisfaire un `lecteur quelconque' («quicumque lector»), Mersenne, lui suggère d'ajouter à la fin des Meditationes l'exposé géométrique de sa métaphysique, où les démonstrations soient tirées de définitions, postulats et axiomes: «quibusdam definitionibus, postulatis et axiomatibus praemissis». En novembre 1645, encore, il écrit au socinien Florian Crusius que pour convaincre tous les lecteurs («ut omnes lectores convincat») il faut s'attacher à des arguments apodictiques; on doit d'avance poser des définitions et des axiomes, desquels en suite on tire des conclusions : «debent aliquae definitiones et quedam axiomata praemitti [...] ex quibus postea concludatur [...]».
2017
Istituto per il Lessico Intellettuale Europeo e Storia delle Idee - ILIESI
978-2-7453-3138-0
Mersenne
athéisme
athéisme mathématisant
libertinisme
libre pensée
recta ratio
métaphysique cartésienne
Descartes
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/20.500.14243/338722
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